Le territoire de Court-Saint-Étienne est traversé par trois cours d’eau qui forment ainsi l’aspect accidenté et vallonné de son relief. La Dyle creuse la vallée la plus encaissée : sur peu de distance, on monte facilement de 60 mètres à son confluent avec la Thyle à 110 mètres au cimetière. Son affluent la Thyle, après avoir traversé les ruines de Villers-la-Ville, a un parcours très sinueux de La Roche à sa jonction avec l’Orne dans le parc du château.Les moulins qui ont tourné grâce à ces cours d’eau ont contribué à l’essor économique de la région. De moulins à grains, la plupart furent progressivement convertis en industries.
L’Orne vient de Mont-Saint-Guibert où elle faisait fonctionner la papeterie; c’était un moulin à grains que Devroede fut autorisé à construire le 30 août1834. Cette roue hydraulique fut transformée le 29 novembre 1842 pour produire l’énergie qui actionnait une machine à papier. Les rejets en aval nous ont laissé le souvenir d’une odeur de choux de triste mémoire qui se répandait dans toute la vallée. Après la fermeture de la papeterie vers 1970, l’Orne est redevenue poissonneuse. J’ai vu des pêcheurs installés près du moulin de Beaurieux. Longeant les prairies de la ferme de Beaurieux, elle reçoit le ri de Beaurieux.De 1837 à 1970, elle a fait tourner le moulin à farine de Beaurieux dont le mécanisme est toujours en place à l’heure actuelle.Après avoir traversé les prairies enjambées par la route N25, elle reçoit le Glory qui provient du Petit Chenoit. Elle longe le bois du Champia près du pré des Mottes et elle a fait tourner le moulin Malréchauffé créé en 1853, qui a été successivement moulin à grains puis scierie pour la pierre et le marbre.La rivière arrive alors dans le parc du château de Court-Saint-Étienne où elles e jette dans la Thyle.
La Thyle, après avoir traversé les ruines de Villers, a fait tourner le moulin de Chevlipont qui sera transformé en scierie de marbre et abandonné en 1920.Elle reçoit le ri Pirot, lequel actionne deux moulins : le moulin d’en haut, près de la source et le moulin d’en bas, près du confluent. Cela créa de beaux étangs qu’un propriétaire privé a entouré d’arbustes et de fleurs. Joli spectacle lors de la floraison des azalées et des rhododendrons.Avant le moulin de La Roche, la Thyle reçoit le ri d’Hez et le Tangissart. Le ri d’Hez a été grossi par la fontaine Sainte Adèle, vénérée pour ses eaux utilisées à l’époque pour bassiner les yeux des nouveau-nés en prévention des maladies oculaires.On venait de loin pour emporter une précieuse bouteille d’eau de la fontaine Sainte Adèle.La chute de La Roche a actionné successivement une forge, une scierie, une retorderie de coton et enfin un moulin à farine, aujourd’hui complètement électrifié. La vanne et la chute sont toujours visibles.
Au-delà, la Thyle reçoit sur sa droite le ri SainteGertrude formé de plusieurs ruisselets, dont le ride Néry, qui prennent leur source dans le bois de l’Euchère où la nappe aquifère est considérable, ce qui a déterminé les premiers pompages pour la distribution d’eau dans la commune. Alimentant quelques étangs par-ci par-là, tous ces ruisselets réunis prennent le nom de ri Sainte Gertrude. Son cours devient précipité le long des roches voisines et, après avoir alimenté en 1831 un moulin à papier, transformé en 1861 en retorderie (filature)de coton à laquelle fut adjoint en 1897 un moulin à grains pour les besoins de la brasserie Ladrière, le ri Sainte Gertrude va rejoindre la Thyle toute proche.Actuellement, on trouve des cours d’eau dont les eaux sont de bonne qualité. Dans le ri Sainte Gertrude par exemple, où l’on a découvert des truites farios sauvages et des chabots, ces espèces de poissons très sensibles à la pollution confirment cette théorie. Le cours de la Thyle subira plusieurs modifications au fil du temps, notamment au moment de la création du chemin de fer à La Roche et plus précisément entre la baraque Poty et la carrière Chauffoureau (afin d’éviter la construction abusive de ponts enjambant la rivière celle-ci fut détournée par un canal parallèle à la voie ferrée, et l’ancien lit de la rivière fut transformé en cressonnière).De même, lors de la construction de l’un ou l’autre moulin, des méandres furent supprimés, le tracé rectifié pour aménager le site ; des travaux ont été effectués lors de la modification du tracé de certains chemins (la rue de Faux par exemple).Ces cressonnières qui longent le chemin de fer seront aménagées en petits étangs pour la pêche de loisir. La Thyle serpente ensuite dans les prairies de Faux où fonctionnait en 1886 un moulin pour broyer les terres noires extraites à cet endroit.
La Thyle laisse alors Faux à gauche et Sart à droite et reçoit le ri de la Marache au lieudit Fonds des Mais, en aval de Suzeril.Un ruisselet, le ri Saint Antoine prend sa source au bas de la colline en contrebas de la Chapelle Castrale et, alimenté par la fontaine Chabot, va rejoindre le ri de la Marache.Adrien Minne, féru de souvenirs relatifs à son village “Sart” évoque “La Légende du Cheval blanc” dans laquelle on raconte ceci : le ri Sain tAntoine alimentait les étangs et les jardins à gradins situés devant le château. C’est là qu’à minuit, un cavalier monté sur un cheval blanc sortant des dépendances du château venait abreuver sa monture et la baigner dans les eaux calmes de l’étang à la faveur des ombres de la nuit, de la solitude des bois d’alentour.Il parcourait les champs de la “Cense du Chenoit”et veillait sur la seigneuriale demeure ; sa silhouette avait été reconnue dans les bois voisins, on avait vu son ombre courir dans l’allée des grands ormes qui longeait le bois Lambert Lacude, dans les chemins bordés de saules qui descendaient des deux côtés du château.Qui était-il ? Quelle était la raison de ces excursions nocturnes régulières qui défrayaient les conversations, qui jetaient la crainte, l’effroi dansc ette pouilleuse population ?On en parlait, mais personne n’osait risquer le soir une sortie tardive.Cependant un des plus forts habitants, Oleffe de son nom, ne put se défendre de la curiosité et eut la hardiesse d’aller à la rencontre du mystérieux promeneur. Et un soir donc, dissimulant sa présence derrière un arbre du chemin, une “socque”,pour employer le terme du terroir, il attendit son visiteur. Minuit sonna à l’église de Court et le cavalier apparut, fit sa promenade habituelle à l’étang et reprit, par la drève, le chemin du château.D’un bond, se lançant à la bride du cheval, Oleffe le força à l’arrêt et interpellant le maître lui demanda le motif de ses sorties nocturnes.Que se passa-t-il? Quelle fut la conversation qui s’engagea entre eux ? Nul ne le sut jamais. Le cheval disparut; jamais plus personne ne vit le cheval blanc ni son mystérieux cavalier. À sa demande, Oleffe avait fait la promesse sacrée de ne rien dévoiler de leur entretien. Le secret fut bien gardé car jamais personne n’en sut rien !Oleffe devint, par la suite, membre du personnel des seigneurs de Sart.Un manuscrit rapporte qu’il figura comme témoin dans les procès de 1651 et 1653 devant le Souverain Conseil du Brabant, procès intenté parle seigneur en vue de l’érection en paroisse distincte du petit village de Sart-Mont-Sainct-Williaume.
Après avoir passé les Gloriettes, nous arrivons à la chute du moulin de Suzeril qui, en 1871, moulait la farine et portait le nom de moulin Bouffioux; c’était un vieux moulin banal, propriété des Seigneurs de Sart-Messire-Guillaume. Ce moulin dut fermer après la première guerre mondiale car son accès par la route était rendu difficile à cause de nombreuses inondations à certaines périodes de l’année. Et nous arrivons enfin au petit moulin qui fut créé sous le gouvernement hollandais pour activer un moulin à farine qui, après une légère transformation en fabrique à papier, est redevenu moulin à farine. Il ne s’arrêta que lorsque Henri Ceulemans prit sa retraite, il est maintenant transformé en habitation à appartements. Lorsque la Thyle est grossie par l’Orne dans le parc du château qu’elle traverse allègrement, elle sera voûtée à l’endroit où elle fit fonctionner une grande usine métallurgique. Un industriel avait acheté un moulin à farine qu’il transforma en forge pour fabriquer des essieux et des bandages de roues. Il s’appela le Grand moulin pour le différencier du précédent qui s’appelait le Petit moulin. C’est Émile Henricot qui, le 16 mai 1905, résume bien la situation de l’époque dans son Étude sur l’industrie à Court-Saint-Etienne. Voici ce qu’il rapporte :
À partir du bief qui a servi au Grand moulin, la Thyle sera voûtée jusqu’après le chemin de fer pour accueillir les différents halls de l’usine É. Henricot n°1. Après cela, elle se jette fougueusement et à angle droit dans la Dyle, ce qui provoque un tourbillon freinant les eaux en amont et celles-ci se répandent dans les jardins longeant la rivière. Différents systèmes d’amélioration y ont été apportés ; éperon au confluent pour canaliser les eaux dans un angle moins agressif et dernièrement un pertuis a été construit et prend une partie des eaux dans un court-circuit passant devant le Foyer populaire.
La Dyle passe par Bousval, traverse la Plantée des Dames et, au bois de Noirhat, elle a fait tourner le moulin du Béguinage de Noirhat au XIIe siècle. Il fut transformé en forge à fer et actionna une filature ; il fut acquis par A. De Broux, fabricant de papier.
La Cala venant de Bousval détermine la limite entre les deux communes à son confluent avec la Dyle, alimentant alors la chute de Mérivaux qui actionnait un moulin à grains transformé en forge à fer par un forgeron d’élite, Ferdinand Puissant qui y ajouta une roue pour un martinet. Ses fils continuèrent l’exploitation mais cessèrent toute activité en 1886. Après quoi, la S.A. Brasserie de Mérivaux utilisa l’installation pour la mouture de ses grains.
Plus loin, la chute du Pont de Pierre fut installée par Gustave Demolder pour une forge ; en 1880, elle devint un moulin à grains pour la brasserie. On peut encore signaler sur la Dyle un petit moulin resté très peu de temps en activité ; il était situé à l’endroit où la sous-station électrique le long de la chaussée de Genappe à Wavre est installée actuellement.
Et nous arrivons au confluent avec la Thyle à l’arrière du Foyer populaire. La Dyle sera voûtée pour les agrandissements de l’usine n° 2 après la seconde guerre mondiale. Après avoir traversé le bois de la Brûlotte et ses marécages, les prés Hellin, nous voici à la filature de Franquenies dite de Mousty. En 1835, c’était un pressoir à huile que l’on transforma en 1839 en filature de coton ; la mise en service d’une première machine à vapeur en 1890 et d’une seconde en 1898, diminueront les activités de la chute d’eau. Une partie de l’installation hydraulique est toujours visible aujourd’hui.
Dans le parc de la filature, la Dyle reçoit le Ry Angon. Son cours fait la limite avec la commune d’Ottignies. Il prend sa source à Court-Saint- Etienne à la ferme de Profondval, traverse le Ruchaux et parcourt le Bois des Rêves après sa jonction avec la Malaise. Après avoir créé des étangs il a fait fonctionner le moulin de Franquenies, moulin à farine fermé après la seconde guerre mondiale.
Toutes ces chutes et retenues ont fait tourner des roues hydrauliques de diverses manières : si le courant est faible, l’eau est retenue dans un étang par un bief et amenée sur le haut de la roue munie de godets ou augets. Si le courant est suffisant, l’eau est retenue par des vannes et passe alors sous la roue munie d’aubes en bois ou en métal. Cette roue dont l’eau n’agit que sur les pales inférieures est appelée “roue du dessous”.
Charles Gheude de la Libre Académie dans À mon Roman Pays, Éditions de la Fédération touristique de la Province de Brabant, 1947, écrit dans son poème Court-Saint-Étienne :
Note, frairies = fêtes populaires.
L’énergie hydraulique fut pendant longtemps la seule source énergétique utilisée dans nos régions.
C’est ce qui amena à diversifier les activités de ces moulins. Lors de l’apparition de la machine à vapeur et surtout de l’électricité, les moulins traditionnels commencèrent à disparaître.
C’était une activité qui concernait directement la quasi totalité de la population de nos régions et de nombreuses personnes en dépendaient.
BIBLIOGRAPHIE.
TARLIER ET WAUTERS, Histoire des
Communes belges.
Documents des archives du CHAF.
Edgard HAULOTTE,
membre du C.H.A.F.
Court-Saint-Étienne, Histoire,
Archéologie et Folklore
avec la collaboration de
Paulette PELSMAEKERS,
présidente.
Extrait de « Histoire(s) en Dyle : des hommes et des rivières en Brabant wallon ». Ouvrage collectif édité à l’initiative du Centre culturel du Brabant wallon et du Contrat de rivière Dyle en 2005.
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