Aménagement de la vanne du moulin à Genval

On en parlait au Contrat de rivière Dyle-Gette depuis 2011, la Région wallonne l’avait inscrite comme action prioritaire dans le cadre des Plans de Gestion des Districts Hydrographiques (Directive Cadre-Eau) pour la période 2016-2021 et finalement la Province du Brabant wallon l’a fait en 2018 ! On parle ici d’un projet de restauration hydromorphologique de la Lasne à Rixensart à hauteur de la rue du Moulin. Rapide retour sur ce beau chantier, novateur dans le sous-bassin.
Pour le chapeau

Il n’y a pas que la qualité de l’eau qui peut jouer en défaveur du retour des poissons dans nos eaux. Les obstacles à la libre circulation sont en effet des écueils parfois majeurs qui peuvent entraver la recolonisation tant attendu des différents tronçons d’un cours d’eau par les poissons, suite par exemple à l’amélioration généralisée de la qualité des eaux dans notre sous-bassin. Nous vous renvoyons à un précédent article pour en savoir plus sur la thématique. La libre circulation des poissons est par ailleurs reprise dans plusieurs réglementations comme la Décision Bénélux, la Directive Faune-Flore-Habitats, le Règlement européen sur l’anguille ou encore le nouveau Décret cours d’eau adopté par le Parlement wallon le 03 octobre 2018. De là découlent donc quelques obligations ...

Et pour mettre en pratique ces obligations, outre des opportunités ponctuelles à saisir quand elles se présentent, il est préférable de travailler à l’échelle de l’entièreté d’un cours d’eau et d’adopter une démarche de priorités allant de l’aval vers l’amont. Aval vers amont car pour un poisson, selon les obstacles, il est souvent plus facile de descendre que de remonter ; et compte tenu du nombre d’obstacles sur les cours d’eau locaux, le cours aval est de fait plus poissonneux que l’amont.

La Lasne à Rixensart

Pour en revenir à l’affaire qui nous préoccupe, on peut partir d’un simple constat fait en 2010 lors d’une pêche électrique réalisée à la rue du moulin à Genval. Enormément de poissons avaient été recensés en aval de la chute d’eau et quasi rien en amont ; voilà qui illustre bien l’effet barrière de la vanne. Cet ouvrage est d’ailleurs considéré dans l’inventaire de la Wallonie comme un obstacle majeur. Enfin, pour se resituer dans un contexte plus global, il faut savoir qu’en Flandre, tous les obstacles au déplacement des poissons ont été levés sur la Lasne en aval. Le travail pouvait donc commencer en Wallonie ...

Illustration 1  Illustration 1bis
La vanne et sa chute en 2013  La vanne et sa chute en 1924

L’année suivante, via un stage de fin d’étude, le CRDG commence à s’intéresser à cet obstacle. Tout cela débouche sur une soumission de projet aux Fonds Européens de la Pêche. Malheureusement ce projet, impliquant études et investissements, est refusé notamment car l’obstacle se situe sur un tronçon de cours d’eau en 2ème catégorie (gestion provinciale). Du coup tout cela retombe quelque peu dans l’oubli jusqu’à ce que, courant 2015, la Wallonie décide d’intégrer la levée de cet obstacle dans les objectifs prioritaires des nouveaux PGDH avec comme maître d’œuvre la Province du Brabant wallon.

Puis tout va très vite :

 Illustration 3

Phase travaux, vue sur l'entrée de la dérivation

Les travaux ne furent évidemment pas de tout repos car il a fallu intégrer la présence d’un collecteur d’eaux usées, d’une conduite de gaz et d’un pipe-line, rien que ça ! Fruit d’une démarche concertée, il a fallu en outre concilier divers enjeux locaux :

Patrimonial : souhait de conservation de la structure originelle de la vanne, témoignage d’un passé industriel pas si lointain.
Illustration 4b
La vanne avait une vraie valeur patrimoniale dans le paysage rixensartois (1912)

Halieutique : maintien d’une lame d’eau suffisante pour assurer une activité locale de pêche via la mise en place de seuils enrochés (ou cascatelles).
Illustration 5
Exemple de seuil enroché installé pour oxygéner et maintenir une certaine hauteur d'eau en amont de la vanne.

Environnemental : légère reméandration du cours d’eau et diversification des faciès d’écoulement.
Illustration 6
La Lasne en aval de la vanne a eu droit à un léger lifting hydromorphologique afin de recréer une hétérogénéité des faciès d'écoulement (méandration, doubles échancrures des seuils enrochés, ...)

Inondation.

 L’objectif final d’assurer la libre circulation des poissons a bien été atteint. Dans le détail, pour libérer les malheureux prisonniers subaquatiques, la franchissabilité de l’obstacle a été rétablie 1/ en limitant le débit passant par la vanne, via la dérivation d’une partie de celui-ci, et 2/ en soutenant la ligne d’eau à l’aval de la vanne par le découpage du linéaire en une série de bassins.

1/ Un court canal de dérivation, existant in situ mais non fonctionnel, a donc été réhabilité et reconnecté au cours d’eau principal via un déversoir latéral. Cette dérivation a été équipée de gros blocs d’enrochements, régulièrement espacés afin de créer, à cet endroit, un courant sinueux.

2/ Le tronçon de la Lasne en aval de la vanne a été divisé en cinq bassins par l’installation de six seuils enrochés régulièrement espacés de 8 mètres environ. La différence de hauteur entre chaque seuil a été réduite au minimum (10 cm) afin que la hauteur des chutes d’eau ne soit jamais supérieure à 15 cm et reste ainsi franchissable pour la grande majorité des espèces de poissons locales. Chaque seuil a finalement été aménagé avec une échancrure disposée en alternance d’un seuil à l’autre afin de recréer une certaine hétérogénéité de surface et de fond et permettre la remontée des poissons benthiques.

De cette manière, en toutes situations, les deux bras nouvellement aménagés restent accessibles et franchissables par les poissons.

Illustration 7 Illustration 8

C'est une nouvelle Lasne sur ce tronçon qui s'offre au regard. Depuis cette vue, on distingue bien les différents bassins successifs et les échancrures qui dirigent le flux d'eau
Détail de l'aménagement du canal de dérivation (ndlr le niveau d'eau est très bas)  

La libre circulation des piétons le long du cours d’eau, sur le site, a aussi fait l’objet d’une attention particulière. Une passerelle en bois sera installée prochainement au-dessus de bras de dérivation par la Province du Brabant wallon. Une autre passerelle métallique a quant à elle d’ores et déjà été mise en place au-dessus du cours d’eau, en bordure de voirie, par la Commune de Rixensart cette fois.

Enfin, tout n’est pas fini. Sachez encore qu’un volet sensibilisation sera prochainement intégré avec le placement de panneaux d’information et qu’un projet de verdurisation des berges doit également encore être finalisé avec la collaboration des acteurs locaux (DNF, Natagora et CRDG). Diverses essences adaptées et locales d’arbres, d’arbustes et d’hélophytes seront ainsi implantées dans ou aux abords du cours d’eau nouvellement réhabilité.

En marge du projet enfin, des clôtures seront aussi installées pour empêcher que le bétail qui fréquente la prairie n’accède aux différents cours d’eau et ne dégrade les berges.

Merci à la Province du Brabant wallon pour cette belle réalisation et gageons que d’autres suivront sous peu ! On me souffle d’ailleurs dans l’oreillette que quelque chose pourrait se concrétiser prochainement dans une commune septentrionale de notre sous-bassin ...