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jeudi 18 avril 2024

Quelles solutions à l’expansion des plantes invasives ? De la prévention à la gestion…

Prévention et gestion sont deux stratégies pour limiter la dissémination des plantes invasives. La première vise à réduire les risques d’introduction dans l’environnement; la seconde consiste à gérer les populations établies dans la nature. Même si ces deux approches sont complémentaires, il vaut mieux éviter de nouvelles introductions que gérer les plantes dans la nature. C’est plus facile et moins coûteux. Dans cette optique, des codes de conduite peuvent être mis en place au sein de la filière ornementale. C’est précisément ce qui vient d’être développé par le projet AlterIAS. Dès septembre 2011, le code de conduite belge sur les plantes invasives sera lancé.

Une réponse adaptée au niveau d’invasion

L’expansion des plantes invasives est un processus dynamique qui requiert la mise en place d’une stratégie adaptée au niveau d’invasion. De manière simplifiée, on distingue deux grands axes d’intervention: la prévention et la gestion (figure 1). Il est nécessaire d’agir sous ces deux angles puisque il serait tout-à-fait contre-productif de gérer une espèce invasive dans la nature si d’autre part on continue de l’introduire dans l’environnement.

schema

Figure 1 : Le processus d’invasion est un phénomène évolutif dans le temps, caractérisé par une introduction initiale (souvent suivie d’introductions secondaires), une phase d’adaptation aux nouvelles conditions environnementales (période de latence) qui précède la phase d’expansion des populations à proprement parler. La gestion intervient généralement à un stade avancé dans le processus d’invasion, c’est-à-dire lorsque l’espèce est déjà relativement répandue dans l’environnement. La prévention est d’autant plus efficace qu’elle intervient tôt dans le processus, mais elle est également indispensable tout au long de la dynamique pour les espèces qui font l’objet d’introductions multiples et répétées, comme c’est le cas avec les plantes invasives utilisées pour l’ornement.

En complément de ces deux approches, il convient également de mettre en place un système d’information et d’évaluation du risque, des programmes d’inventaires et de détections précoces et, bien évidemment, de continuer à développer la recherche pour améliorer nos connaissances sur ces espèces. Ces dix dernières années, la Belgique s’est montrée particulièrement proactive en la matière, puisque de nombreuses actions et/ou projets ont été mis en place à chacun de ces niveaux. Un système d’information est en place depuis 2006 (le système d’information Harmonia, disponible sur http://ias.biodiversity.be) et de nombreux projets ont été financés par nos administrations.

La méthode forte : la gestion

La stratégie la plus offensive est sans aucun doute la gestion. Pour être efficace, elle doit être réfléchie, intégrée et planifiée sur le long terme. Il n’existe malheureusement pas de recette miracle pour gérer les plantes invasives : pas de méthode universelle qui convienne à toutes les espèces en toutes circonstances. Chaque plante requiert des techniques de gestion spécifiques à la biologie de l’espèce et au type de milieu envahi. On distingue principalement trois catégories de technique, qui peuvent être utilisées seules ou combinées (tableau 1).

Tableau1: Catégories et techniques de gestion

Catégorie

Exemples de technique

Mécanique

Arrachage manuel ou mécanique (pelleteuse, broyeur, etc.)

Fauche, débroussaillage, pâturage

Brûlage

Chimique

Badigeonnage

Pulvérisation

Injection

Biologique [1]

Libération d’un prédateur naturel (ex : psylle) ou d’un agent pathogène (ex : champignon) spécifique à la plante ciblée

 

fauche camion brule

Débroussaillage de la balsamine de l’Himalaya (photo : N. Pieret)

Arrachage mécanique de la jussie à grande fleur (photo : N. Pipet)

 Injection de tige de la renouée du Japon (photo : E. Delbart)

 
 

L’efficacité des techniques varie d’une espèce à l’autre (tableau 2). De même, certaines espèces sont plus faciles à gérer que d’autres. Des espèces telles que les renouées asiatiques (Fallopia japonica, F. sachalinensis et F. x bohemica) sont très vigoureuses et il est extrêmement difficile de s’en débarrasser. Pour ce genre d’espèces, il faut se poser la question de la nécessité d’intervenir, car les résultats peuvent parfois être médiocres par rapport aux efforts entrepris.

Tableau 2: Efficacité de quelques techniques de gestion testées sur différentes plantes invasives
(+ : efficacité satisfaisante ; +/- : efficacité modérée ; - : efficacité insatisfaisante)
 

Espèce

Technique

Efficacité

Source

Berce du Caucase

(Heracleum mantegazzianum)

Coupe sous le collet

Fauche

+

-

Delbart et al., 2010

Renouée du Japon

(Fallopia japonica)

 

Fauche unique

Fauches répétées et plantation

Injection et plantation

-

+/-

+

Delbart et al., 2010

Cotonéaster horizontal

(Cotoneaster horizontalis)

Coupe et brûlage de souche

Coupe et badigeonnage de souche

-

+

Frisson et al., 2010

Lysichiton

(Lysichiton americanus)

Arrachage manuel

+

Alberternst et al., 2010

Il convient notamment de définir clairement les objectifs de la gestion: éradication, atténuation ou confinement. L’éradication consiste à éliminer totalement l’espèce invasive. Elle est considérée comme complète si aucune plante n’est observée dans la zone gérée après plusieurs années consécutives. L’atténuation vise à limiter l’invasion à un niveau acceptable, où l’espèce est toujours présente mais avec un impact réduit (« atténué »). Enfin le confinement vise à contenir l’invasion à certaines zones bien définies. L’atténuation et le confinement s’inscrivent sur le long terme et nécessitent un investissement technique et financier important. Une étude américaine a montré que des plans d’éradication restent possibles pour des surfaces envahies inférieures à un hectare (Rejmanek et al., 2002). Au-delà, les chances de succès diminuent (figure 2). On peut en déduire une règle d’or pour ce type d’opération: intervenir le plus tôt possible. Ce constat appuie la nécessité de mettre en place des programmes de détection précoce visant à repérer au plus tôt les cas d’invasion.

schema2 Figure 2 : Les chances de succès d’un plan d’éradication diminuent fortement avec l’augmentation du niveau d’invasion.  Au-delà d’un certain seuil, les efforts (et par conséquent les coûts) deviennent considérables pour des chances de succès fortement réduites (Source: Rejmanek et al., 2002, adapté par Branquart). D’après ces résultats, l’éradication semble davantage réalisable à des échelles locales. Dans le cas d’espèces largement répandues, la gestion doit être coordonnée à des échelles plus grandes, ce qui complique les chances d’éradication. Dans ce cas, il vaut mieux se tourner vers un objectif d’atténuation.
 
Les coûts doivent également être pris en compte. Ces derniers peuvent devenir astronomiques pour des opérations entreprises à grande échelle.
 
 
pelleteuse

Le rhododendron pontique au Royaume-Uni

Introduit en Grande-Bretagne pour la première fois en 1763, le rhododendron pontique est aujourd’hui devenu une espèce invasive très répandue dans tout le pays. Il envahit les forêts sur sols acides et les landes. Beaucoup de techniques ont été testées pour en venir à bout: fauche manuelle ou mécanique, pulvérisation, injection de tiges, coupe et pulvérisation. Il semblerait que cette dernière technique compte parmi les plus efficaces. R. ponticum couvre aujourd’hui une superficie de 53000 ha. Les coûts de gestion sont estimés à 30 millions d’euros. Photo : RPS Group


De manière plus générale, il ne faut pas perdre de vue que la gestion des plantes invasives fait partie intégrante de l’écologie de la restauration, où l’homme intervient pour tenter d’améliorer l’état de conservation d’un écosystème. L’expérience nous montre que de telles interventions sont parfois couronnées de succès (Rejmanek et al., 2002, Simberloff, 2009), mais un certain nombre de plans de gestion se soldent aussi par un échec (Kettenring et al., 2011 ; Pearson et al., 2009 ; Tyler et al., 2006). Pour éviter les désillusions, il importe, avant d’agir, de se poser une série de questions fondamentales sur la nécessité d’intervenir, les modalités d’action et les chances de succès de la restauration. Gérer oui, mais pas n’importe comment et pas à n’importe quel prix. Certaines techniques sont fortement perturbatrices pour le milieu (gyrobroyage, étrépage, pulvérisation) et le gestionnaire doit s’interroger sur le bien-fondé et la réelle plus-value d’une intervention pour la biodiversité.

Pour plus d’informations sur des projets de gestion en Belgique, nous invitons le lecteur à consulter les sites Internet suivants :

Ces quelques considérations soulèvent les difficultés inhérentes à la gestion des plantes invasives. C’est pourquoi il est nécessaire d’agir également de manière préventive. Certains considèrent même que la prévention est écologiquement et économiquement plus « profitable » que la gestion des populations.

La prévention: traiter le problème à sa source

Une autre stratégie consiste à travailler plus en amont dans le processus d’invasion en limitant les introductions dans l’environnement. Dans le cas des plantes invasives, les introductions sont multiples et répétées. Des mesures peuvent être facilement prises au niveau des vecteurs d’introductions dus à l’homme, c’est-à-dire (1) les plantations et les ensemencements volontaires, (2) les dépôts de déchets verts et (3) les transports de sols. Il est par contre plus difficile, voire impossible, de contrôler les vecteurs d’introduction accidentels ou les vecteurs de dispersion naturels.

budelia

Les plantations – ensemencements volontaires

La plupart des plantes invasives ont été introduites volontairement comme plantes ornementales. Encore aujourd’hui, elles sont plantées ou semées dans les parcs et jardins d’où elles peuvent s’échapper et ensuite coloniser les milieux semi-naturels. C’est un des vecteurs de dispersion anthropiques les plus importants.

Photo : M. Halford
sapin

Les dépôts sauvages de déchets verts

 

Les déchets verts peuvent contenir des fragments de plantes invasives (graines, fragments de tiges, de racines ou de rhizomes). Les dépôts sauvages constituent à ce titre un deuxième vecteur d’introduction dans l’environnement. Les fragments de plantes invasives peuvent facilement régénérer de nouvelles populations. Il en va de la responsabilité de chacun car les dépôts sauvages sont illégaux.

Photo : M. Halford
renouee

Le transport de sols

 

Plusieurs espèces sont disséminées par transport de sols contaminés par des fragments de plantes invasives (rhizomes, stolons, etc.). Lors de travaux de remblais-déblais, des sols contaminés sont déposés et de nouvelles populations apparaissent. Les espèces rhizomateuses sont particulièrement concernées, comme par exemple les renouées asiatiques et les solidages nords-américains.

Photo : M. Halford

Des instruments doivent être rapidement mis en place pour réduire ces risques d’introductions. Pour les espèces introduites via la filière ornementale, deux types d’outils peuvent être développés: un texte de loi ou un Code de conduite. Une législation peut porter sur l’interdiction d’importation, de commerce ou de plantation. Elle peut être perçue comme contraignante et restrictive. Le second outil est fondé sur la sensibilisation et la responsabilisation tant des professionnels (producteurs, vendeurs) que des consommateurs. Il présente l’avantage d’être plus flexible et plus facile à mettre en place qu’une nouvelle législation. C’est une approche fondée sur la communication et la concertation.

Le Code de conduite sur les plantes invasives en Belgique

Pour la première fois dans le pays, un code de conduite sur les plantes invasives a été élaboré. Avec un tel outil, la filière ornementale se donne les moyens d’agir de manière préventive. Le code contient plusieurs mesures, dont le retrait du commerce et/ou des plantations de certaines espèces considérées comme hautement dommageables.

Qu’est-ce qu’un code de conduite ?

code-conduite

C’est un document qui préconise l'adoption de bonnes pratiques pour limiter les introductions et la dispersion des plantes invasives dans les parcs, les jardins, les étangs, les pépinières et le long des routes, qui constituent souvent les points de départ des invasions dans les milieux naturels. C'est un outil d'auto-régulation basé sur la sensibilisation, l'éducation et l'adoption volontaire de mesures préventives. Il vise à induire un changement d'attitude concernant l'utilisation des plantes invasives.


Comment ce code a-t-il été préparé ?

Le code belge a été préparé à l’initiative du projet AlterIAS, en étroite collaboration avec les professionnels de l’horticulture ornementale et les principales associations et fédérations du secteur vert actives en Belgique (voir ci-dessous). Les mesures proposées résultent d’une consultation à travers des tables-rondes réunissant un échantillon représentatif de la profession horticole, des scientifiques impliqués dans la biologie des invasions et les membres de l’équipe AlterIAS. Le contenu a été approuvé par tous les représentants de la profession horticole ayant participé à la consultation.

 fwa


La Fédération Wallonne Horticole (FWH)

 AVBS


Algemeen Verbond van Belgische Siertelers en Groenvoorzieners (AVBS)

 APEC

Association pour les Espaces Verts Communaux (APEC)

 VVOG

Vereniging Voor Openbaar Groen (VVOG)

 FBEP

La Fédération Belge des Entrepreneurs Paysagistes (BFG-FBEP)

 ABGP

L’Association Bruxelloise des Gestionnaires des Plantations /Brusselse Vereniging voor Plantsoen Beheerders (ABGP/BVPB)

 ABAJP

L’Association Belge des Architectes de Jardins et Paysagistes (ABAJP-BVTL)

 BTV

Belgische Tuincentra Vereniging (BTV)

A qui est-il destiné ?

Le code s’adresse à l’ensemble de la filière ornementale. Il peut être adopté par toute personne concernée par l'utilisation des plantes ornementales: professionnels de l'horticulture (horticulteurs et pépiniéristes, communes et services espaces verts, architectes paysagistes, entrepreneurs de jardins, etc.) ou amateurs de jardin (les particuliers). Chacun est libre d’y souscrire.

Quelles mesures ?

Le code pour les professionnels contient 5 mesures. Ceux qui souscrivent au code s’engage volontairement à :

  1. Se tenir informé de la liste des plantes invasives en Belgique
  2. Stopper la vente et/ou la plantation de certaines espèces invasives
  3. Diffuser de l'information sur les plantes invasives aux clients ou aux citoyens
  4. Promouvoir l'utilisation de plantes alternatives non invasives
  5. Participer à la détection précoce


La deuxième mesure porte sur une liste de 28 espèces approuvée à l’unanimité par le secteur horticole. Cette liste représente 50 % de l’ensemble des plantes invasives en Belgique. Pour plus détails sur le contenu du code, consultez le site Internet du projet AlterIAS (http://www.alterias.be,, section ‘Code de conduite’). Il y a également un code pour les amateurs de jardins (les particuliers), avec des mesures similaires.

Plantons autrement

Le code de conduite s’inscrit dans une campagne de sensibilisation intitulée «  Plantons autrement ». Cette campagne est accompagnée d’outils de communication qui seront diffusés à travers la Belgique. Tous les professionnels de l’horticulture ayant souscrit au code seront reconnaissables par un logo. Ils afficheront également un poster et distribueront des dépliants pour mieux informer les clients et les citoyens.

logo  folder  folder2

Outils de communication associés au code de conduite sur les plantes invasives en Belgique : le logo (à gauche), le dépliant (au milieu) et le poster. Tous ces documents sont disponibles sur le site Internet du projet AlterIAS.

 

Vous aussi, participez ! Faites un geste pour la biodiversité et adoptez le code de conduite sur les plantes invasives sur http://www.alterias.be (voir section « Que pouvons-nous faire ? »

 


[1] Les techniques de lutte biologique sont très peu utilisées pour les invasions biologiques en Europe. Toutefois, des recherches sur la renouée du Japon sont effectuées au Royaume-Uni sous la supervision du CABI.. Un psylle (Aphalara idatori) phytophage spécifique de la renouée du Japon a été identifié. Après avoir procédé aux tests pré-requis en laboratoire durant 5 années, une expérience « grandeur nature » (un lâcher dans l’environnement) est actuellement en cours. La méthode comporte certains risques, puisqu’un autre organisme exotique est libéré dans l’environnement. La lutte biologique est davantage utilisée à l’étranger. De nombreux programmes ont été mis en place en Australie, Californie et Afrique du Sud.

 

 

 

 

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