Du nouveau pour la clôture des berges des cours d’eau

Deux Arrêtés du gouvernement wallon ont été adoptés le 17 octobre 2013. Le premier organise l’interdiction d’accès du bétail aux cours d’eau. Le second précise les modalités d’obtention des subventions pour l’équipement des parcelles concernées par cette interdiction.

Cette nouvelle mesure modifie l’Arrêté royal du 5 août 1970 portant sur la police des cours d’eau, lequel imposait déjà que les pâtures soient clôturées en bordure des cours d’eau, afin de les protéger d’un piétinement excessif et des conséquences dues aux excréments des animaux.

Cependant, à l’époque, les (anciennes) communes qui le souhaitaient avaient pu introduire une demande pour y déroger. C’est ainsi que près de la moitié du territoire wallon avait été soustrait à cette obligation !

Aujourd’hui, l’accès du bétail au cours d’eau est désormais interdit :

à partir du 31 mars 2014, le long des cours d’eau non navigables classés et non classés situés en zone de baignade ou à l’amont des zones de baignade (= zones "prioritaires") ;

à partir du 31 décembre 2014, le long des cours d’eau non navigables classés situés dans les Sites Natura 2000 et dans les 36 masses d’eau "à risque d’eutrophisation" ;

Par ailleurs, l’accès du bétail continue à rester interdit le long des cours d’eau dans toutes les communes qui n’avaient pas demandé la dérogation lors de l’AR du 5 août 1970.
Enfin, le nouveau texte prévoit la possibilité d’étendre l’obligation de clôture à d’autres zones jugées sensibles.


Petite Gette a Orp-Jauche
La Petite Gette à Orp-Jauche

Une aide financière, mais uniquement pour 2014 !

L’accès du bétail au cours d’eau étant désormais interdit beaucoup plus largement en Wallonie, une aide financière est temporairement disponible pour les éleveurs professionnels. Les subventions peuvent être octroyées pour l’acquisition et la mise en place de clôtures et d’abreuvoir sur l’ensemble du territoire wallon et pas uniquement sur les zones concernées par l’interdiction d’accès du bétail.

Cette aide financière concerne les clôtures et certains types d’abreuvoirs (les bacs de 1.000 litres minimum et les pompes à museau). Les clôtures mobiles ne seront pas remboursées et les haies d’épineux sont autorisées.

A noter cependant : l’aide financière sera seulement octroyée pour 2014 !

Enfin, un régime d’exception peut aussi être accordé, sur demande au Département de la Nature et des Forêts (SPW) pour le pâturage extensif favorable à la biodiversité.

Ri St-Jean a Jodoigne
Le Ry-St-Jean à Jodoigne

Mise en application des nouvelles règles

C’est le Département des aides au sein de la DGO3 qui organise la mise en œuvre et le suivi de ces nouvelles règles : en novembre 2013, un courrier a été adressé à près de 500 agriculteurs concernés par 1450 parcelles de pâture situées en "zones prioritaires", avec obligation de clôturer pour le 31 mars 2014 au plus tard.

Un autre courrier a été adressé en février 2014 à plus de 6.000 agriculteurs (ce qui correspond à plus d’1/3 des agriculteurs "déclarants" de Wallonie) concernés par 20.000 parcelles de pâture leur indiquant quels secteurs de cours d’eau sont concernés par la nouvelle réglementation, avec obligation de clôturer pour le 31 décembre 2014 au plus tard. La possibilité d’introduire une demande de subvention pour procéder à la pose des clôtures et à l’installation d’abreuvoirs leur a aussi été signifiée dans ce courrier.

Les recours introduits ont surtout porté sur la non adéquation entre les données cartographiques de référence fournies par le SPW et la réalité sur le terrain : des agriculteurs ont notamment remarqué l’absence de cours d’eau à l’endroit indiqué sur les cartes (ex : voûtement ou fossé à écoulement intermittent).

Les contrôles se feront prioritairement dans les zones "protégées" (zones de captage, Sites Natura 2000, zones de baignade), ainsi que dans les zones les plus dégradées (berges piétinées et pollution de l’eau par excréments).

A noter que, en ce mois de juin 2014, seulement 100 agriculteurs avaient introduit une demande de subvention via le formulaire adhoc ! La Département des aides va devoir organiser une nouvelle information vers le secteur...

Diverses initiatives prises pour anticiper ces nouvelles obligations

Depuis quelques années, la problématique de l’accès du bétail aux cours d’eau est aussi traitée par des opérateurs de terrain/gestion/aide-services, que sont les Parcs naturels ou les Contrats de rivière.

Cependant, les implications de ces structures participatives varient fortement selon l’ampleur de la problématique constatée sur le terrain et selon les moyens humains et financiers disponibles.

Dans la majorité des cas, l’effort s’est concentré sur la sensibilisation des agriculteurs, mais aussi celle des communes et des gestionnaires des cours d’eau.

Ailleurs, des opérations de plus grande envergure ont pu voir le jour, grâce à des budgets "Life" (projets européens favorables à la biodiversité) ou Interreg (projets européens interrégionaux) et grâce à de nouveaux opérateurs de terrain, que sont les Groupes d’action locaux (programmes intercommunaux de développement rural).

C’est ainsi que, depuis 2012, le GAL "Saveurs et Patrimoine en Vrai Condroz" a développé un projet "coopération berges", avec la collaboration de 13 communes condruziennes et des GAL "Pays des Tiges et Chavées" et "Pays des Condruses".

Dans ce cadre, une trentaine d'aménagements visant la protection des berges des cours d'eau à l'égard du bétail ont été réalisés : essentiellement par la pose de clôtures, de passerelles et d'abreuvoirs.

 

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Le projet a aussi bénéficié d’un partenariat avec les Contrats de rivière Meuse aval, Haute-Meuse, Ourthe et Lesse. Ce partenariat a permis d’anticiper l’obligation de clôturer les cours d’eau en pâtures. Les éleveurs concernés ont été informés et conseillés. Au terme du projet, ce sont pas moins de 24 km de clôtures, 95 pompes à museau, 15 abreuvoirs bacs et 8 passerelles pour le bétail qui auront ainsi été installés auprès de 26 éleveurs différents.

A noter que les agriculteurs partenaires ont bénéficié d’un subside via le projet, qui a couvert environ les ¾ des coûts d’aménagement. Le budget fourni par le GAL s’est élevé à 75.000 euros, avec priorité pour les Sites Natura 2000. Ce sont les agriculteurs qui ont réalisé eux-mêmes les aménagements.

Depuis 2004, le Contrat de rivière Lesse a, acheté et fourni sur terrain le matériel de clôture et d’abreuvoir (+ systèmes de franchissement) pour 14 agriculteurs situés en zone de protection de baignade. Une partie des travaux a même été financée à 100 % par le projet. Le budget de 25.000 euros fut issu d’un projet "Life". Une convention conclue pour 5 ans avec les agriculteurs stipulait de conserver les aménagements en bon état et de les céder à tout nouvel utilisateur des parcelles agricoles.

Le Parc naturel Hautes-Fagnes/Eifel a développé un projet à partir de 2004, grâce à un budget du Plan de développement rural (PDR) et un budget "Life". Différents types d’aménagement ont été réalisés dans ce cadre.

Quant au Parc naturel Haute-Sûre, il a financé 100 % de l’installation d’une centaine d’abreuvoirs (pompes à museau, pompes gravitaires et pompes solaires), ainsi que des passerelles, tous placés par le Parc naturel dans le cadre du "Life moule perlière". Il fut aussi demandé aux agriculteurs bénéficiaires de gérer ces aménagements "en bon pères de famille".

Depuis 2009, le Contrat de rivière Ourthe, via le projet "Life" et avec la collaboration du GAL "Pays de l’Ourthe", a organisé la pose de 13 km de clôtures et d’une centaine d’abreuvoirs.

Des mesures difficiles à appliquer

Sur le plan de l’évaluation de tous ces projets menés depuis une dizaine d’années, il ressort que les chargés de mission ont eu beaucoup de difficulté à faire accepter ces mesures auprès des agriculteurs. Le manque de réactivité de ceux-ci a nécessité un gros effort d’accompagnement de la part des conseillers. On constate aussi, après plusieurs années, un manque d’entretien de nombreux aménagements par les mêmes agriculteurs bénéficiaires.

Sur le plan administratif, on a relevé la complexité des démarches requises préalablement aux travaux : pour réaliser ces aménagements, il a souvent été nécessaire d'obtenir diverses autorisations auprès de diverses administrations. De plus, on se heurte aussi à une vision fort "réductrice" sur le plan technique pour les dispositifs acceptés, tant de la part des agriculteurs (a priori parfois négatif vis-à-vis des pompes à museau) que de la part des administrations (réticence vis-à-vis des rampes d’accès aménagées). Il en résulte que certains aménagements qui ont prouvé leur efficacité pourraient bien devoir être démontés car ils ne correspondent pas aux "standards" actuels...

Quant aux contrôles et aux sanctions qui seront opérés suite aux nouvelles règles en vigueur, ils soulèvent aussi beaucoup d’interrogations.

On peut espérer que l’ensemble de la situation s’améliorera significativement dans les années à venir. 

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Pour dynamiser la réflexion autour des solutions pratiques destinées à limiter la dégradation des cours d’eau par le bétail, une journée de visites et d'échanges entre les chargés de mission et les gestionnaires de cours d'eau s’est déroulée ce 19 juin au départ du Centre Nature de Botrange. Plusieurs types d’aménagements ont été présentés sur le terrain par le Parc naturel Hautes-Fagnes/Eifel, qui ont notamment suscité des discussions intéressantes avec les administrations en charge de la gestion des cours d’eau et de la délivrance des autorisations requises pour l’installation d’abreuvoirs ou de ponceaux de franchissement pour le bétail. 

Qu’en est-il en Dyle-Gette ?

Tout d’abord, aucune dérogation n’avait été accordée en 1970 aux anciennes communes des Provinces du Brabant wallon et du Hainaut !

Il en résulte que l’obligation de clôture reste généralisée dans tout le bassin Dyle-Gette : les nouvelles règles ne changent donc rien chez nous !

Seule la zone de baignade de Renipont est reconnue comme zone de baignade officielle en Dyle-Gette. De plus, ce plan d’eau est uniquement alimenté par des sources et n’est donc pas en contact avec la vallée amont de la Lasne. 

Quant à la masse d’eau de la Grande Gette amont (DGO7R : Incourt, Perwez et partie de Ramillies et Jodoigne), elle a été identifiée comme zone "à risque d’eutrophisation" (voir annexe XIXbis de l’AGW du 17 octobre 2013). Mais, selon nous, cela ne change rien non plus par rapport à la situation précédente, puisque tout le bassin Dyle-Gette était resté soumis au régime d’obligation.

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Du côté du Contrat de rivière Dyle-Gette, nous avions envoyé, dès 2006 et à tous les agriculteurs du Brabant wallon, un classeur "rivières et agriculture " dans lequel figurait une fiche thématique consacrée à l’accès du bétail aux cours d’eau.

Depuis 2010, cette action de sensibilisation du CRDG s’est prolongée par la possibilité d’accorder aux agriculteurs, via le CRDG, une aide financière de 600 euros pour la pose de clôture et l’aménagement d’un système d’abreuvement ou de franchissement. Malheureusement, cette opération n’a pas recueilli le succès estompé, puisque seulement 1 agriculteur à Ramillies et 2 agriculteurs à Jodoigne ont sollicité l’aide du CRDG entre 2010 et 2013.

Beaucoup de travail reste encore à faire, car la base de données du CRDG indique plus de 130 points noirs "érosion des berges par le bétail" le long de nos cours d’eau : plus de la ½ d’entre eux sont considérés comme prioritaires à résoudre (forte dégradation des berges) et seulement une vingtaine d’entre eux ont été considérés comme résolus depuis ces 10 dernières années !

Espérons que, d’ici la fin de l’année 2014,  les agriculteurs concernés par cette problématique dans notre bassin versant prendront leur responsabilité. Qu’ils n’hésitent pas à introduire une demande de subside auprès de la Région wallonne : après, il sera trop tard ! Au besoin, le CRDG peut leur apporter aide et conseils dans leurs démarches. 

Pour en savoir plus : 

Pour le texte de l’AGW du 17/10/13 : www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body.pl?language=fr&;caller=summary&pub_date=13-10-31&numac=2013205858

pour le modèle CB de demande de subside pour les clôtures et certains abreuvoirs : agriculture.wallonie.be/apps/spip_wolwin/breve.php3?id_breve=1333&;pos=2

pour une présentation complète de la problématique d’accès du bétail aux cours d’eau (impacts sur l’écosystème rivière, nouveau cadre législatif, types de clôtures, systèmes d’abreuvement, systèmes de franchissement) (brochure "rivières et agriculture en région mosane", publication éditée par les Contrats de rivière Haute-Meuse et Meuse aval et 3 Groupes d’action locaux des Provinces de Liège et Namur, mai 2014) : www.crhm.be/
 
pour des fiches techniques de présentation des différents systèmes de clôture, abreuvement et franchissement (GAL "Saveurs et Patrimoine en Vrai Condroz") : www.reseau-pwdr.be/articles/archives-articles/la-cl%C3%B4ture-des-berges,-un-projet-de-coop%C3%A9ration-entre-trois-gal.aspx

pour la dérogation accordée pour le pâturage extensif favorable à la biodiversité ("circulaire DNF") :

Fichiers:

Circulaire DGO3-DNF 6673-2014 - Derogation cloture des berges des CE POPULAIRE
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Date mercredi 24 juin 2015 10:50 Taille du fichier 469.65 KB Téléchargement 1,062.00 Télécharger